C’est toute une poétique de l’espace et du fragment qui informe la pratique sculpturale de Sergio Verastegui. Régie par le motif du double — notamment via le reflet spéculaire — et plus largement du multiple, elle se déploie à travers un ensemble d’objets (ready made ou spécifiquement fabriqués) et de matériaux divers (bois, tissu, carton, métal, miroir, cuir, etc.) selon des jeux de superposition, juxtaposition et autres assemblages participant d’une écriture fragmentaire et stratifiée, voire cryptée. Explorant le caractère fétiche de l’objet tout en le détournant, les œuvres de Sergio Verastegui rappellent le talisman, objet aux vertus magiques et occultes, nourri de croyances. Jalonnées de vestiges quasi archéologiques en proie à l’oubli et la disparition, elles renvoient à l’Histoire (notamment la colonisation) en même temps qu’elles (re)composent des histoires en perpétuel devenir. Fixes, tout en proposant une circulation entre elles, ces œuvres sont habitées par la transformation et le mouvement, le déplacement, comme l’incarnent les récurrentes peaux, mues et formes serpentines. Nature et culture, humain et non-humain s’y rencontrent, échafaudant organiquement des récits qui prennent la mesure des temps, des espaces comme des corps. En convoquant le réel et son double, ressuscitant ainsi la mémoire et la sensation de ce qui est révolu, absent ou perdu, Sergio Verastegui élabore une patiente reconstruction à la fois physique et virtuelle, historique et narrative, au(x) sens infiniment ouvert(s).
Anne-Lou Vicente